Pays-Bas : les populistes de l’extrême-droite peuvent-ils gagner?

Par Afke GROEN

Le 15 mars, les électeurs néerlandais se rendront donc aux urnes afin d’élire leur nouveau parlement et premier ministre. Et pour une fois, toute l’Europe s’y intéresse, car la question se pose si le leader du parti d’extrême-droite (PVV), Geert Wilders, peut devenir le nouveau chef de gouvernement après ces élections législatives.

Avec une amie, dans l’hémicycle du Parlement Européen.

Bien que le programme du « Parti de la Liberté » ne se décline que sur une seule page et onze points, il réussit à choquer plus d’un citoyen. Geert Wilders promet la sortie des Pays-Bas de l’Union européenne, la fermeture de l’ensemble des mosquées, l’interdiction du Coran, et la fermeture des frontières aux réfugiés originaires de pays majoritairement musulmans. Il y a quelques mois seulement, Wilders a été condamné par un tribunal néerlandais pour diffamation collective et incitation à la haine après avoir fait chanter le public lors d’un meeting « moins, moins, moins de Marocains ». Mais cela ne l’empêche pas de rester solidement en tête des sondages depuis un an, même si sa cote semble s’effriter un peu. Dans les intentions de vote, il est au coude-à-coude avec le Premier ministre en place, Mark Rutte, du Parti Libéral-Conservateur (VVD).

La popularité de Wilders n’a donc rien de nouveau, mais elle n’a jamais été aussi élevée. En fait, la condamnation par le tribunal semble avoir apporté de l’eau à son moulin. Elle a nourri l’image qu’il cultive et selon laquelle il est le seul politique à avoir le courage de dire tout haut « ce qui ne va pas » aux Pays-Bas (et ce qu’une majorité est censée penser tout bas). Sa popularité avait déjà connu une hausse significative à l’automne 2015, lorsque la crise des réfugiés a suscité de vifs débats sur les migrants qui profitent de l’Etat néerlandais et que des protestations contre l’implantation de foyers d’asile ont éclaté. A ce moment, Wilders a déclaré devant le parlement qu’il y avait un « tsunami » de demandeurs d’asile et que Daech était en train d’infiltrer des milliers de terroristes en Europe.

L’électorat qu’il touche, ce sont les citoyens néerlandais (de plus en plus nombreux) qui ont le sentiment que leur qualité de vie (d’un niveau remarquable) est menacée par des pressions extérieures. Ces pressions comprennent la présence de Musulmans, vus comme une menace pour la culture de l’égalité des genres, de tolérance et de liberté que beaucoup perçoivent comme caractéristique pour le vivre-ensemble néerlandais. Au-delà de ces aspects culturels, les restrictions budgétaires provoquées par la crise économique ces dernières années sont perçues comme ayant heurté de manière disproportionnée les gens « qui se lèvent tôt et travaillent dur » ainsi que les retraités, mettant ainsi en péril leur statut social. Enfin, il y a sentiment partagé par beaucoup que non seulement l’Union européenne et « Bruxelles » sont une menace pour la culture et souveraineté nationale, mais que les Néerlandais ont payé des milliards d’Euros pour les États-membres de l’Est et du Sud, suite à l’élargissement et la crise économique. Du pain bénit pour Wilders, qui accuse les « politiques élitistes » et promet de rendre aux Néerlandais « leur argent » et « leur pays ».

Wilders gagnera-t-il pour autant ?

Effectivement, les sondages suggèrent que les chances de son parti de finir en tête restent bonnes. Mais il y a des bosses sur sa route.

D’abord, Wilders est un grand supporter de la présidence de Donald Trump (certains observateurs internationaux disent même que c’est Wilders qui a inventé le « Trumpisme »). Mais depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, les médias néerlandais ont été, dans leur immense majorité, massivement critiques envers la personnalité, le comportement et les politiques du nouveau président américain.

Le blond est tendance (du moins sur les chars du carnaval rhénan).

Ensuite, Wilders a fait des siennes en amont des premiers débats de la campagne électorale. Il a ainsi tweeté une image fausse (et absurde) qui montrait en apparence le leader de la formation « D66 » (Démocrates Libéraux) dans une manifestation réclamant « la charia pour les Pays-Bas ». Il a aussi annulé sa participation à deux des quatre débats télévisés initialement programmés, après qu’une chaîne de télévision avait ajusté le nombre de partis invités et publié une interview dans lequel le propre frère de Wilders (avec lequel il n’a plus contact) a sévèrement critiqué ses idées. Il est possible que le soutien de Wilders pour Trump et son absence de la plupart des débats télévisés portent atteinte à la sympathie que lui portent ses électeurs potentiels et finissent par en éloigner certains, comme cela lui est déjà arrivé par le passé.

Puis il y a le système électoral. Même si le Parti de la Liberté devait réussir à former le plus grand groupe parlementaire suite aux législatives du 15 mars, les chances de Wilders de devenir Premier ministre restent très minces. Aux Pays-Bas, les 150 membres du Parlement sont élus sur des listes par scrutin proportionnel intégral. Pour être représenté, il suffit à un parti d’obtenir 0,67% des votes, l’équivalent d’un siège. En d’autres termes : l’assemblée reflète très fidèlement les pourcentages obtenus par les partis.

Or, comme ailleurs en Europe, les préférences politiques des Néerlandais se sont beaucoup fragmentées ces dernières années. Il est probable que 14 ou 15 partis différents entreront au Parlement à l’issue des législatives et que même le groupe le plus important ne dépassera guère les 30 sièges. Dans un tel scénario, Wilders aurait besoin de trouver au moins trois partenaires pour former un gouvernement de coalition doté d’une majorité stable, mais les partenaires potentiels ont déjà annoncé qu’ils ne seraient pas prêts à travailler avec lui. Malgré son score, il resterait alors assez isolé (et c’est peut-être la position qu’il préfère).

La campagne se jouera vraiment durant les derniers jours qui précèdent l’élection. Il reste à voir quels thèmes seront finalement décisif dans les yeux de l’électorat. Les plus probables sont le coût et la qualité des systèmes de santé et de soins aux personnes âgées, les retraites, la défense et la sécurité, mais aussi l’intégration (ou « désintégration ») européenne, ou encore l’immigration et l’asile. On verra alors si les bosses sur la route de Wilders deviennent de vrais obstacles.

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L'auteur

Afke Groen

Doctorante à la Faculté des Arts et Sciences Sociales de l'Université de Maastricht et à l'Amsterdam Institute of German Studies. Sa recherche porte sur les pratiques de coopération transnationale entre les partis politiques en Europe. A l'occasion des élections générales aux Pays-Bas, Afke a accepté de contribuer aux "Mails d'Europe" de l'EU-Asia Institute de l'ESSCA Ecole de Management.

Doctorante à la Faculté des Arts et Sciences Sociales de l’Université de Maastricht et à l’Amsterdam Institute of German Studies. Sa recherche porte sur les pratiques de coopération transnationale entre les partis politiques en Europe.

A l’occasion des élections générales aux Pays-Bas, Afke a accepté de contribuer aux « Mails d’Europe » de l’EU-Asia Institute de l’ESSCA Ecole de Management.

 

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