Dans le cadre des projets de recherche ARRECO et MIGSAN, Estelle d’Halluin (CENS, Université de Nantes) organise un symposium le 18 octobre 2019 de 9h30 à 17h30 à l’Université de Nantes.
L’évolution du droit européen de l’asile a accordé une place croissante à la notion de « vulnérabilité », un phénomène par ailleurs identifié dans d’autres domaines de la vie sociale depuis une quinzaine d’année (Brodiez-Dolino 2016). Les nouvelles directives imposent une identification des populations et une adaptation des dispositifs d’accueil[1] et des procédures d’asile aux « besoins spécifiques » des demandeurs d’asile vulnérables, notamment les mineurs non accompagnés, les personnes en situation de handicap, les victimes de la traite des êtres humains ou encore les personnes ayant subi des tortures (Pétin 2017). Si le droit tend ici à « protéger des vulnérabilités », de nombreuses études sur la migration montrent qu’il peut aussi « produire des vulnérabilités » (Aumond et Robin 2017). Ces évolutions juridiques invitent à réfléchir à la polysémie de cette notion (Carlier 2017), à l’émergence et l’enracinement de ce paradigme et aux usages sociaux de cette catégorie, en examinant la genèse et l’évolution des dispositifs d’évaluation et de prise en charge spécifique de la vulnérabilité physique et psychique des populations en quête de protection internationale (Boublil et Wolmark 2018).
Ce symposium interdisciplinaire entend réunir les contributions académiques et professionnelles ancrées dans des disciplines variées comme l’histoire, le droit, la sociologie, la géographie, l’anthropologie, les sciences politiques ou la médecine, à l’échelle européenne. D’un point de vue historique, il s’agit d’approfondir les mobilisations et les modalités de reconnaissance de la vulnérabilité physique et psychique des sujets dans le droit d’asile contemporain, notamment celui de l’Union européenne, ainsi que les mobilisations et controverses autour des critères de vulnérabilité (d’Halluin 2016). D’un point de vue juridique, les contributions pourront explorer les différentes positions doctrinales et la manière dont la vulnérabilité a été prise en compte dans différentes décisions des institutions européennes en cas de recours. Du point de vue des sciences sociales, l’idée est d’appréhender les usages sociaux et spatiaux de cette catégorie dans un contexte caractérisé par la suspicion d’un détournement de procédure et une administration de la preuve accrue pesant sur les personnes en demande de protection internationale. Comment la vulnérabilité physique et psychique est-elle « dépistée » et prise en compte dans l’accès aux droits, notamment à l’hébergement, durant la procédure d’asile ? Quelles sont les modalités d’évaluation de la vulnérabilité par les médecins des institutions publiques ou par des acteurs associatifs engagés dans leur accompagnement et quels en sont les effets sur l’accès aux droits et la prise en charge différenciés des publics (ex. aménagement de l’entretien d’évaluation de la demande d’asile, dérogation à la procédure de renvoi prévue par le règlement Dublin, publics vulnérables repérés et sortis des squats inscrits dans un parcours de soin par un réseau d’acteurs)… Il s’agira de s’intéresser à cette activité de repérage et d’assistance, à l’échelle de l’Union européenne, aussi bien dans la procédure d’asile « classique » que dans le programme de relocalisation (2015-2017) pour les demandeurs d’asile et les dispositifs de réinstallation pour les personnes protégées. Trois axes structureront ainsi la journée :
Axe 1. Faire reconnaître la vulnérabilité dans le champ de l’asile
Axe 2. Identifier les publics vulnérables dans le champ de l’asile
Axe 3. Soigner les publics vulnérables dans le champ de l’asile
[1] Voir notamment l’article 21 et 22 de la Directive 2013/33/IUE dite Directive Accueil adoptée en juin 2013.