Séance n° 1, jeudi 9 novembre 2023, 18h-20h, Amphi A – Tertre : « L’engagement des Européens en Croatie et Bosnie »
Invités :
- – Anne Madelain (historienne, MCF, INALCO), auteure de l’ouvrage L’expérience française des Balkans 1989-1999
- – Patrick Le Corre (grand témoin des mobilisations de la société civile nantaise en faveur de la paix en Bosnie)
Rappel de la présentation du séminaire :
Ce séminaire pluridisciplinaire visera en 5 séances à explorer l’engagement des Européens, depuis la fin de la guerre froide, dans des interventions multiples et multiformes de rétablissement de la paix ou de maintien de la paix (peace making / peace keeping), sur des théâtres variés – européens (Balkans) ou non (essentiellement Afrique et Moyen-Orient). Par Européens, nous entendons à la fois l’Union Européenne (UE), mais aussi les puissances européennes qui purent intervenir militairement seules (Rwanda pour la France, Sierra Leone pour le Royaume-Uni) ou en coalition, essentiellement via l’OTAN (Bosnie, Kosovo).
Il s’agira de s’interroger sur les raisons qui poussèrent les Européens à mettre l’idée de gestion de crise et de maintien de la paix au cœur de leur doctrine stratégique, à en faire le point nodal des efforts d’intégration européenne en matière de défense (avec l’émergence de la PESD, politique européenne de sécurité et de défense, devenue ensuite, PSDC, politique de sécurité et de défense commune), et enfin, à s’engager, sous bannière européenne, dans toute une série d’interventions militaires ou civilo-militaires suite à l’impulsion donnée par l’accord franco-britannique de Saint-Malo en 1998. Même si l’ampleur de ces interventions resta toujours modeste, l’ambition était de faire de l’UE un security provider (à l’inverse de la situation qui avait prévalu pendant toute la guerre froide) et ce retournement s’accompagnait d’un discours de légitimation présentant l’UE comme particulièrement apte à réussir ses missions de peace keeping – d’abord par la nature même du projet de construction européenne fondée sur l’idée de réconciliation, mais aussi par la variété des instruments d’intervention et d’influence que l’UE serait capable de mettre en œuvre au service de la paix sur un théâtre d’intervention donné (instruments militaires, mais aussi civilo-militaires, économiques, normatifs).
Il conviendra également de mettre au jour tout l’arrière-plan idéologique, le mode de pensée politico-stratégique qui a accordé une place centrale à ce type de missions militaires pour l’Europe : quel rôle jouèrent les héritages postcoloniaux des grands États-membres anciennement puissances impériales – à commencer par la France et le Royaume-Uni ? quel lien avec la thématique de la « fin de l’Histoire » (F. Fukuyama) et l’idée d’une Europe post- moderne ou post-westphalienne, dont un des rôles au plan international serait de pacifier les zones de non-droit en voie de régression (Robert F. Cooper) ? dès lors, y aurait-il lieu d’établir une continuité, dans la longue durée, entre ces opérations européennes de maintien de la paix et le thème de la « pacification » des sociétés africaines à l’occasion de la colonisation (un argument fondamental ayant servi à justifier la colonisation) ?
Il s’agira enfin d’examiner les débats politiques et l’évolution des opinions publiques à la fois européennes et africaines sur le rôle de l’Europe dans les situations de conflits : les Européens et/ou l’UE ont-ils été perçus réellement comme des agents de maintien de la paix ou au contraire les interventions ont-elles été finalement ressenties comme des facteurs aggravants des conflits ? Quel bilan général peut-on dresser de cette première quinzaine d’années post-guerre froide où le peace keeping sembla devenir, en particulier pour l’Europe, la vocation ultime de l’emploi de la force au plan international ?
Chaque séance, ouverte au public, s’articule autour de deux intervenants, l’un universitaire (auteur d’une publication récente sur la question), l’autre praticien ou grand témoin, autour de telle ou telle étude de cas.