Les étudiants du Master 2 en Sciences Politiques de l’Europe se sont rendus, comme chaque année – avec le soutien de la Chaire TEN Europa, du RFI Alliance Europa et de la Faculté de droit et sciences politiques, à Bruxelles du 28 février au 5 mars 2022. Voici le retour d’un étudiant sur leur rencontre avec la Commission européenne.
Retour sur les échanges des étudiants Nantais avec le centre décisionnel Européen
De Nantes à Bruxelles : L’espace européen de l’éducation
Une politique de coopération progressive
Les systèmes éducatifs et universitaires des États-membres de l’Union européenne [UE] ont été influencés, ces vingt à trente dernières années, plus ou moins directement par l’Union Européenne et ses instances. Que ce soit par le biais des enquêtes PISA pour les établissements scolaires, ou encore via le processus de Bologne et l’entrée de leurs différents modèles universitaires dans un nouveau paradigme, tous les systèmes nationaux ont, à leur échelle, été impactés par la dynamique de l’époque. L’UE s’est lancée en 2019 dans la poursuite d’un objectif commun : pouvoir former d’ici à 2025, un espace européen où l’accès à une éducation et une formation de qualité tout au long de sa vie est reconnu pour tous.
C’est entre 2010 et 2020 que cette politique a été réellement amorcée. L’enjeu était de pouvoir aussi bien renforcer la coopération que la compréhension mutuelle des différents États membres autour de leurs différents systèmes éducatifs. Malgré l’absence de compétence exclusive ou spécifique de l’UE en la matière, celle-ci a pu s’appuyer sur quelques articles (articles 6, 165 et 166 du TFUE) pour développer cette aspiration initiale – articles qui ne lui confèrent ni compétence partagée, ni compétence exclusive en matière d’éducation mais lui permettent d’impulser quelques grandes orientations, un accompagnement, des encouragements et incitations à agir, sans action directe de sa part.
Au-delà des textes, ce sont bien les initiatives et engagements politiques des responsables européens qui ont su confirmer ce souhait avec vigueur. Que ce soient par le biais des orientations politiques annoncées en 2019 par Mme U. Von der Leyen, ou encore les premiers jalons de cette politique adoptés dès 2018, la promotion d’une vision commune pour la création d’un espace européen d’éducation a clairement été affirmée, politiquement. Cette vision repose sur plusieurs engagements, principes et objectifs : la promotion du multilinguisme dans le cadre des enseignements et des programmes, dans la ligne de la devise européenne et afin de permettre aux jeunes de s’ouvrir à un monde de plus en plus mobile et ouvert à l’échelle globale; le respect des obligations du national face à ses requêtes et recommandations; la garantie d’un enseignement, et de parcours de formation répondant à des impératifs de qualité, d’inclusivité et placé sous le signe de l’innovation et du succès, notamment pour la branche universitaire; mais surtout comme but de permettre un renforcement des réseaux d’Universités européennes, de leur performance, de leur production de recherche mais aussi de leur qualité d’enseignements.
Autant de projections pour l’avenir qui mobilisent aussi bien des experts, que des organisations internationales/européennes telles que l’OCDE ou le Conseil de l’Europe. L’ampleur du projet oblige par ailleurs à étendre la consultation et les discussions bien au-delà de cette sphère institutionnelle en donnant une place réelle à de nouveaux acteurs, provenant principalement de la société civile tels que des associations, ou certains des principaux intéressés au programmes tels que les jeunes, ou tout autre citoyen de l’Union. Dans cette fabrique des politiques publiques aux acteurs multiples, la dynamique est aussi verte que numérique et innovatrice. Elle souhaite dépasser les clivages, afin de fédérer cet ensemble d’intervenants autour des valeurs de l’UE.
La Commission européenne : rencontre avec un acteur central de la politique européenne d’éducation/ESR
Le 2 mars 2022, les sciences politistes Nantais ont eu l’occasion de rencontrer des membres de la Commission européenne, porteurs de ce programme. Le premier de ces échanges consistait en une présentation détaillée de l’histoire et des objectifs de ce programme. Sa mise en œuvre nécessitait évidemment une stratégie bien définie, dont le cœur résidait, nécessairement, dans la remise en question de la compétence de l’UE en la matière. Ce premier échange a été, pour le groupe de voyageurs, l’occasion d’échanger plus en détails autour de l’opportunité et des contours d’un tel espace d’enseignement, de ses prétentions, de ses orientations, et de sa vocation au travers du temps. Les volets du programme touchant à la recherche ont été une clé d’entrée, permettant aux nantais de comprendre l’ampleur des tâches à accomplir sur ce seul secteur, au regard de la vision d’ensemble qui leur était présentée, car mobiliser et fédérer ne peut se faire en un claquement de doigt ou une simple volonté politique !
Dès lors sur ce point, ce sont bien les entre-recoupements et chevauchements des différents programmes mentionnés, anciens comme nouveaux, de compétences et de secteurs d’activités mobilisés, ainsi que de secteurs représentés et partie prenantes, qui ont pu apparaître aux étudiants comme étant aussi complexes qu’intéressants durant les débats. En l’espace de quelques minutes, c’est bien, en toile de fond, la culture de travail des institutions européennes qui apparaît dans les présentations : ouverte d’apparence et marquée par le partage des savoirs et d’expériences diverses au travers de l’Europe – moteur de ses réalisations.
Mme Hristina PETKOVA, membre de l’unité « Stratégie et investissement », Mme Deirdre HODSON et Mme Oana FELECAN, membres de l’unité “Écoles et Multilinguisme”, ont toutes trois été à l’écoute des demandes et questions des jeunes français, claires et concises dans leurs présentations Leur travail, pourtant complexe, a su être présenté clairement, permettant avec aisance la rencontre entre des étudiants en pleine découverte du quotidien de ces responsables européens, et les experts européens, acteurs de terrain, placés face à des théoriciens en herbe. Avant d’entamer une pause-café méritée après près de deux heures d’échanges, d’ateliers et de modules type classe-inversées et questions-réponses ludiques, ce sont deux autres intervenantes qui sont venues échanger avec le groupe, Mme Anusca FERRARI, membre de l’Unité “Éducation numérique” et Mme Fanny LACROIX-DESMAZES, membre de l’unité “Enseignement supérieur”. Ces présentations combinées ont ainsi permises aux étudiants d’avoir un panorama complet du programme portant sur la création et le développement d’un espace européen de l’enseignement et de l’éducation, dans les grandes lignes du moins, en quatre heures d’interaction.
Au sein du centre de Conférences Albert Borschette, Rue de la Loi à Bruxelles, ce temps d’échange a permis aux nantais de se confronter au quartier européen sur toute une journée et confronter leurs compétences, savoirs et préparation préalable, aux présentations des intervenants du centre décisionnel européen. Pour une majorité d’étudiants, ce fut une claque d’inspiration, réveillant les plus dubitatifs et sceptiques à l’égard de l’Union. Rencontrer, chercher à apprendre, et approfondir une question, permet d’avancer et d’interroger, aussi bien personnellement que collectivement, nos croyances premières parfois erronées. Pour ces nantais, rencontrer ainsi l’UE, malgré les quelques résistances et discours plutôt sceptiques ou péjoratifs induits par leur culture politique nationale, leur a également permis d’en tirer une belle leçon : l’ouverture sur l’autre est une véritable chance, il suffit de savoir chercher à s’éduquer par tous les moyens ! Croire n’est pas savoir, il faut préférer chercher à comprendre.
De toutes les rencontres effectuées durant leur séjour, la plus marquante d’entre elles fut celle-ci, pour la majorité des étudiants. La Commission européenne, au-delà d’être l’une des institutions majeures de l’Union, a permis à ces jeunes de cerner les enjeux d’un programme européen au travers le récit de ses acteurs de terrain. L’avenir politique de leur génération sera peut-être fortement, et sûrement, marqué par l’Europe car les positions que cet OVNI politique a pu prendre depuis la pandémie de COVID 19 et même avant concernant l’éducation sont marquantes. La nécessité d’agir par de nouveaux plans d’actions demande une tête de file force de proposition et capable d’agir au travers du continent. D’autant plus que son action doit pouvoir se faire à grande échelle, aussi bien au regard du contexte géopolitique, qu’économique et social, de notre époque. Savoir fédérer est une chance mais implique aussi de pouvoir se soumettre à de nécessaires essais-erreurs utiles pour l’avenir. Il y a en tout cas de grandes chances pour que les compétences et le cadre d’action de l’UE impactent de plus en plus le quotidien de nos jeunesses. Avancer dans les crises semble être son apanage.
Nombreux sont les acteurs qui, dans ce cadre et sur ce secteur en particulier, soutiennent l’Union et travaillent de concert avec elle. Elle leur laisse, semble-t-il, autant de place et d’importance que leurs propres capacités et ressources permettent de prendre pour s’insérer dans cette fabrique de politiques publiques d’un nouveau genre. Nombreux sont également les États à agir en sa faveur ou pour son compte en réponse aux défis contemporains. Il existera toujours une résistance du fait de leur héritage propre, du fait des différences de cultures politiques propres à chaque État-membre. Néanmoins ces différences ne constituent pas des entraves au fonctionnement de l’UE, qui les reconnait par ailleurs. L’Europe souhaite, en effet, répondre à ces enjeux d’avenir avec autant de volonté politique, d’intérêt que de pragmatisme, d’ouverture, mise en débat et de lucidité, dans le respect des particularités nationales.
GUIHARD Axel, M2 Sciences Politiques de l’Europe (2021-2022)