« Quo vadis, Italie ? » – perspectives pour 2017

Par Antonella Forganni

Le système politique italien présente deux particularités qui sont parfois difficiles à comprendre en France, pour des raisons historiques et culturelles. D’abord, le nombre de référendums. Ensuite, il y a cette instabilité politique chronique qui semble caractériser la République italienne.

D’abord, le nombre de référendums. Il y en a eu plus de 70, depuis le tout premier, tenu en 1946, qui a vu la monarchie abandonnée au profit de la République, jusqu’au dernier en décembre 2016, lors duquel la population italienne a rejeté une réforme constitutionnelle substantielle promue par Matteo Renzi et d’ores et déjà approuvée par le parlement. Le prochain référendum ne se fera pas attendre : dès le printemps, la Confédération Générale du Travail (CGIL), un syndicat, souhaite voir le peuple s’exprimer sur la récente réforme du marché du travail adoptée durant le gouvernement de Monsieur Renzi.

Ensuite, il y a cette instabilité politique chronique qui semble caractériser la République italienne. Plus de 60 gouvernements se sont succédé depuis 1946. Les raisons pour leur caractère éphémère sont diverses : parfois, le Premier ministre (en fait : « Président du Conseil ») démissionne simplement suite à une crise politique, comme l’a fait Matteo Renzi après le dernier référendum. Dans ce cas, le Président de la République procède souvent à la dissolution du parlement pour déclencher des élections anticipées. Ce qu’a refusé de faire le Président actuel, Sergio Mattarella, dans le cas actuel, malgré les demandes de l’opposition. Il a également exclu l’option d’un gouvernement « technocratique » composé d’experts mandaté de mener les affaires courantes jusqu’à la prochaine échéance électorale (prévue pour 2018).

Au lieu d’avoir recours à ces solutions habituelles, Sergio Mattarella a préféré la continuité, en chargeant Paolo Gentiloni, le Ministre des Affaires étrangères du gouvernement Renzi, de mettre en place un nouveau gouvernement du centre-gauche afin d’assurer un minimum de stabilité. Du coup, cela fait déjà le troisième gouvernement depuis les dernières élections législatives en 2013, puisque Renzi lui-même avait succédé à Enrico Letta sans être passé par des élections.

Aujourd’hui, en ce début de l’année 2017, on assiste donc à la combinaison de ces deux facteurs du cadre institutionnel italien. C’est problématique, comme l’atteste l’expression récurrente « encore un Premier ministre non-élu ! », entendue fréquemment durant la campagne référendaire et suite à la nomination de Gentiloni. Expression qui traduit une certaine exaspération, mais aussi une méconnaissance de la réalité institutionnelle, car le Premier ministre italien n’est jamais élu au suffrage universel direct, mais il est nommé par le Président de la République et il doit avoir le support d’une majorité parlementaire. Comme la Chancelière allemande, soit dit en passant. Or, la République fédérale d’Allemagne a fait preuve d’une stabilité remarquable depuis sa création en 1949 !

La cause principale de l’instabilité n’est donc pas la cadre institutionnel, mais le paysage politique fractionné en Italie, qui le rend si difficile d’obtenir des majorités parlementaires solides. Ce qui n’a pas empêché le slogan du Premier ministre non-élu de fleurir sur les réseaux sociaux, grâce aussi à la propagande du fameux « Mouvement 5 Etoiles », toujours en campagne contre ce qu’il appelle « l’establishment ».

Faut-il alors désespérer de l’Italie ? Il est possible que, sur le plan politique, cette énième crise d’un gouvernement italien est moins problématique qu’elle ne serait dans un autre pays, tout simplement parce qu’elle est inhérente au système italien et que les Italiens, par conséquent, y sont habitués. Tout comme l’Union européenne, d’ailleurs, qui aurait davantage de soucis à se faire si l’Allemagne avait du mal, après les élections de septembre, de former une coalition gouvernementale stable.

En même temps, les changements de gouvernements trop fréquents en Italie ne contribuent certainement pas à renforcer l’influence du pays vis-à-vis des autres Etats-membres. Pour un gouvernement, il est difficile d’adopter une attitude proactive au sein de l’Union s’il ne peut pas se projeter sur le long terme.

Pour 2017, les objectifs du nouveau Président du Conseil ne seront pas très différents du précédent. Tout comme son prédécesseur, il devra faire face à un parlement divisé, et batailler avec un parti démocratique divisé. Au niveau européen, les principaux problèmes pour l’Italie continuent à être l’austérité et le manque de coordination pour la gestion des migrants. Pendant ce temps, les partis et mouvements politiques commencent à envisager différents géométries d’alliances – plus ou moins variables, plus ou moins faisables – en vue des élections de 2018 car, une fois de plus, il est fort probable que personne ne pourra compter sur un nombre suffisant de soutiens pour espérer de construire une majorité forte et stable.

L'auteur

Antonella Forganni

Antonella Forganni

Professeure associée et chercheuse en Droit de l’Union Européenne à l'ESSCA, EU-Asia Institute

Thématiques de recherche :
Relations extérieures de l’UE avec un accent particulier sur la Chine
Le processus d’intégration européenne : Droits de l’Homme / Politique commerciale / Politique aérienne et spatiale

Responsabilités :

  • Responsable du département Management et Environnement de l’Entreprise

Antonella Forganni développe le projet de recherche « Etude des relations internes et externes de l’Union Européenne et des processus d’intégration » avec le soutien d’Alliance Europa.

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