Qui tient les clés de l’article 50?

A écouter les hommes et femmes politiques britanniques ces jours-ci, on a l’impression que la forme que prendra le Brexit dépend entièrement de ce que le Royaume-Uni décidera en temps voulu : dès que les différents membres du gouvernement auront trouvé (enfin) un accord entre eux, ils appuieront sur un bouton et le feront tout simplement advenir.

Malheureusement, la réalité de la situation est très différente, ce que ne manqueront pas de découvrir de nombreux politiques et commentateurs britanniques lorsque Theresa May soumettra enfin la notification officielle déclenchant  le fameux article 50 qui permettra de lancer le processus de sortie de l’Union européenne.

Quand les États-membres se sont mis d’accord pour introduire cet article 50 dans le Traité de Lisbonne, ils l’ont fait pour rassurer des pays comme la Grande-Bretagne sur le fait que l’Union européenne n’était pas un système de nature coercitive, mais coopérative, et que tout membre était libre de s’en retirer si tel était son souhait. En même temps, il était entendu qu’un tel départ ne devait pas compromettre la coopération de ceux qui restaient.

Il en résulte que l’article 50 donne en fait plus de pouvoir de négociation entre les mains de ceux qui restent, appelons-les « EU-27 ». Une fois que le Royaume-Uni aura soumis sa notification, les « EU-27 » devront se mettre d’accord sur le type de « deal » ou d’arrangement qu’ils souhaiteront offrir au Royaume-Uni, et ils devront solliciter aussi l’accord du Parlement européen. Etant donné les intérêts très divers qui existent sur ce continent et qui s’exprimeront à cette occasion, le Royaume-Uni risque de trouver très difficile d’avoir un réel impact sur le résultat de ces tractations.

Cela a deux conséquences importantes.

La première est que le Royaume-Uni devra faire le plus d’efforts possibles avant même la notification (annoncée pour la fin du printemps 2017), parce que c’est maintenant qu’il a encore le plus d’influence. Cette action est cependant grandement gênée faute de clarté (au sein du gouvernement et dans la société) sur les objectifs mêmes poursuivis par le pays.

La deuxième conséquence est que l’Union européenne risquera d’obtenir le résultat qu’elle préfère le moins : celui que le Royaume-Uni finisse par rejeter en bloc la proposition d’accord à la toute fin des négociations. Ce sera alors un vrai « hard Brexit », qui ne fera les affaires de personne, mais qui se produira si l’Europe ne prend pas suffisamment en considération les intérêts britanniques. Les leaders européens seraient bien avisés d’avoir cette éventualité indésirable en tête pendant qu’ils travailleront sur un arrangement qui arrangera tout le monde.

L'auteur

Simon Usherwood

Simon Usherwood est professeur en sciences politiques à l’Université de Surrey. C'est un spécialiste reconnu de l'étude de l’Euroscepticisme. Il est membre du réseau « UK in a Changing Europe » et contribue régulièrement depuis quelques années aux blogs d'actualité européenne de l'EU-Asia Institute de l'ESSCA Ecole de Management.

Professeur de sciences politiques à l’Université de Surrey, spécialiste de l’Euroscepticisme et membre du réseau « UK in a Changing Europe »

Twitter: @usherwood

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