Le «Livre Blanc» du gouvernement : un «Livre Vide»?

Par Simon Usherwood

Avec son Livre Blanc sur « La sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne et son nouveau partenariat avec l’Union », le gouvernement britannique tient son engagement de fournir au Parlement sa position sur la gestion du processus du Brexit.

Si on laisse de côté l’aspect du « timing » – la publication du Livre Blanc intervient le lendemain après la deuxième lecture (houleuse) de la loi conférant au gouvernement le droit d’engager la sortie en activant le célèbre article 50 – ce document est important puisqu’il fixe par écrit des repères dont le gouvernement ne pourra plus s’éloigner facilement par la suite.

Ceci dit, contrairement à la très grande majorité de tels Livres Blancs, celui-ci se rapporte à une négociation ultérieure, avec l’Union européenne, avec ses 27 Etats-membres restants, et avec le Parlement européen. C’est un détail non-négligeable, parce que cela veut dire que le gouvernement n’est pas en mesure de fournir comme résultat ce qu’il a envie d’annoncer. Tout ce qu’il peut proposer est ses espoirs pour cette négociation à venir. Ensuite, il faut croiser les doigts…

Du coup, ce Livre Blanc ne va guère plus loin que le discours que Theresa May a prononcé il y a deux semaines. Il est structuré autour des mêmes « 12 principes », il utilise le même langage et, le plus important, il propose le moins de positions concrètes possibles.

Au-delà de la réaffirmation du souhait de mettre fin à la libre circulation des personnes (et d’accepter donc que cela implique en même temps la fin d’autres libertés), il n’y a toujours pas de plan ou d’approche bien établis. En fait, il faut lire la plus grande partie du Livre Blanc comme une liste de sujets dont le gouvernement britannique pense qu’ils doivent être traités dans les négociations selon l’article 50, plutôt qu’une liste d’objectifs à atteindre sur chacun de ces sujets.

Pour résumer, ce Livre Blanc est une « feuille de route », plutôt qu’une ligne directrice. Il ne se dirige pas vers un but en particulier, mais montre simplement qu’on est conscient des enjeux. Et si on est honnête, le Livre Blanc ne fait même pas cela. Il y a des omissions flagrantes, notamment sur tous les aspects financiers : on passe en vitesse sur le budget et les engagements financiers du Royaume envers l’UE, mais rien sur les montants que ces derniers risquent de représenter ou comment le gouvernement compte s’en acquitter.

Si l’on a envie d’être généreux avec Theresa May, on peut dire qu’elle essaie de garder toutes ses options aussi ouvertes que possible plutôt que de faire des promesses qu’elle ne serait pas en mesure de tenir dans une négociation où le Royaume-Uni n’a qu’un pouvoir limité.

Mais même dans ce cas, on est en droit de se demander si « garder toutes ses options » n’est pas un euphémisme pour « nous ne savons toujours pas ce que nous voulons vraiment obtenir ». Pour le bien de tous les participants aux négociations qui s’annoncent, espérons que ce n’est pas le cas. Car il n’y a rien de plus difficile que d’essayer de trouver un accord avec quelqu’un qui ne sait pas ce qu’il cherche à obtenir.

Quoi qu’il en soit, le compte à rebours est enclenché. RV le 9 mars 2017 au sommet européen pour la notification officielle de l’article 50.

L'auteur

Simon Usherwood

Simon Usherwood est professeur en sciences politiques à l’Université de Surrey. C'est un spécialiste reconnu de l'étude de l’Euroscepticisme. Il est membre du réseau « UK in a Changing Europe » et contribue régulièrement depuis quelques années aux blogs d'actualité européenne de l'EU-Asia Institute de l'ESSCA Ecole de Management.

Professeur de sciences politiques à l’Université de Surrey, spécialiste de l’Euroscepticisme et membre du réseau « UK in a Changing Europe »

Twitter: @usherwood

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