Brexing News # 34 : N’y a-t-il vraiment aucune issue de secours ?

Par Simon Usherwood

Où en sommes-nous, sur notre île, en cette fin d’été 2017 ? Pour ma part, je suis inquiet de constater que 90% de ce que disais il y a un an soit toujours d’actualité.
Bien sûr, des choses ont avancé : on a déclenché l’article 50, et on a commencé à aborder un certain nombre de détails techniques du Brexit.
Mais le problème fondamental qui sous-tend l’ensemble du Brexit est toujours le même : le gouvernement britannique ne sait toujours pas où exactement il veut en venir à l’issue du processus. L’espoir que j’avais entretenu tout au long de cette année depuis le référendum – que le Brexit, une fois acté, susciterait un débat national sur le pays et son rôle dans le monde d’après – s’est avéré une chimère. Le parti conservateur a réussi à démanteler efficacement le petit semblant de consensus qu’il avait avant les élections anticipées du printemps 2017.

A partir de là, on fait quoi ? Il est indiscutable que les équipes techniques des deux côtés de la table de négociation sont composées de personnes compétentes et ont une idée de ce qu’il conviendrait de faire dans l’intérêt de tous. Mais sans objectif politique clair, ils ont les pieds et poings liés.

Prenons la série de « position papers » publiée par le gouvernement. Ces exposés de principe ne font guère mieux qu’énumérer la gamme des options qui sont ouvertes dans les domaines concernés, en suggérant qu’il faut en parler. On voit que la Commission européenne, face à cette valse d’hésitation, se réfugie désormais dans une attitude qui stipule que c’est aux Britanniques d’avancer plutôt qu’à l’Union européenne. Après tout, c’est eux qui partent, et non l’inverse.

Comment allons-nous en sortir de cette pagaille ?

Je ne parle même pas de revenir sur le Brexit – je sais qu’il y a des idées qui circulent – mais simplement de sortir de l’impasse actuelle des négociations. Déjà, la Phase II annoncée pour octobre est repoussée, et il ne reste pas beaucoup de temps par la suite.

Sortir de l’impasse nécessite l’émergence d’un objectif stratégique clairement identifié, et ce dernier n’apparaîtra que par un changement véritable soit de politique soit de personnel.

 

« Chambre avec vue – l’histoire d’une Anglaise à Florence »

Tout d’un coup, la Première ministre vient d’annoncer qu’elle fera, le 22 septembre à Florence, un discours annoncé comme « un moment important » dans le processus du Brexit, qui pourrait faire considérablement évoluer les choses. On ne peut que spéculer ce qu’une telle intervention pourrait impliquer.

Pour commencer, Theresa May pourrait « détailler sa politique », mais vu son échec lamentable de le faire lors du discours du Lancaster House ou du Livre blanc, voire même dans les « position papers » récents, il ne faudrait alors pas s’attendre à grand-chose. Se répétera-t-elle une énième fois – du genre « No deal is better than a bad deal ? » – faute d’alternatives ?

 

 

Elle pourrait, bien sûr, aussi annoncer un vrai changement de politique, en adoucissant par exemple son attitude envers l’union douanière, voire le marché unique, en accommodant les partisans de Philippe Hammond, le ministre des finances.

Mais il ne faut pas se leurrer : depuis les élections, Theresa May est de toute façon d’ores et déjà condamnée. Elle n’a plus de soutien dans son propre parti, où l’on ne fait qu’attendre le moment opportun pour se débarrasser d’elle. Si elle survit encore, c’est uniquement parce que ses rivaux veulent lui faire endosser la plus grande part possible de la responsabilité pour le gâchis du Brexit, pour ensuite se profiler comme les chevaliers blancs qui arrivent en sauveurs.

Si on ne peut donc pas s’attendre à de vrais changements de politique, la seule grande annonce que May pourrait faire serait celle de sa démission immédiate. La désignation d’un nouveau Premier ministre prendrait alors un mois ou plus, ce qui serait un excellent prétexte pour interrompre les négociations (et pour rattraper les vacances d’été que personne n’a eu le temps de prendre).

Seul hic : aucun des successeurs possibles ne semble avoir un plan concret pour le Brexit, et encore moins un mandat populaire pour le mettre en œuvre. La logique perverse de cette élection inutile en mai dernier signifie qu’il en faudrait une autre, voire un autre référendum, pour dégager un tel mandat incontestable.

Si personne au Parlement n’a envie de revivre cela aussitôt, les circonstances risquent d’en faire l’option la moins ridicule, surtout si les divisions profondes sur l’Europe au sein même du parti conservateur réapparaîtraient au grand jour et rendraient le Parlement entièrement ingérable.

Si tout cela vous paraît extrême, la seule option restante qui me viendrait à l’esprit serait « l’option Dunkerque » (et non, je ne suis pas allé voir le film).

« Dunkerque », c’est la métaphore de la résistance héroïque, seul contre tous, face à un ennemi maléfique surpuissant. Cette option impliquerait un ténor du gouvernement, fortement impliqué dans les négociations, qui monte au créneau pour déclarer que, face aux obstructions malveillantes de la part des Européens et des Travaillistes, la patrie et mise en danger et qu’il est nécessaire, dans l’intérêt de la nation, de révoquer l’article 50. Ce qui permettrait au gouvernement vaillant de se battre durement contre les conditions imposées et, à un moment donné ultérieur, reprendre la voie de la sortie.

Personne – ni dans le parti, ni dans le Parlement, ni à Bruxelles, ni même dans les médias – avalerait un tel discours (même s’il y aurait du soulagement ici et là). Malheureusement, même cette option « Dunkerque » nécessiterait sans doute un vote public pour avoir une chance de succès, et elle risque de voir la Commission européenne lancer une procédure de suspension (voire d’exclusion) du Royaume-Uni, sur la base du non-respect du principe de la coopération loyale.

Bref : à moins d’une rupture majeure dans le système politique britannique, il n’y aura pas d’amélioration dans la poursuite chaotique de la mise en œuvre de l’article 50. Ni de retour sur l’ensemble des fractures que le Royaume s’est déjà infligé lui-même.

L'auteur

Simon Usherwood

Simon Usherwood est professeur en sciences politiques à l’Université de Surrey. C'est un spécialiste reconnu de l'étude de l’Euroscepticisme. Il est membre du réseau « UK in a Changing Europe » et contribue régulièrement depuis quelques années aux blogs d'actualité européenne de l'EU-Asia Institute de l'ESSCA Ecole de Management.

Professeur de sciences politiques à l’Université de Surrey, spécialiste de l’Euroscepticisme et membre du réseau « UK in a Changing Europe »

Twitter: @usherwood

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