Brexing news #41 – Négociations

Par Simon Usherwood

Quelles sont les attentes respectives des acteurs principaux des négociations envers le Conseil européen qui se tient aujourd’hui et demain, 19/20 octobre, à Bruxelles ?

C’est un moment important du processus, puisque les vingt-sept Etats-membres restants sont censés faire un état des lieux des négociations et décider de la suite à donner au mandat de Michel Barnier et de son équipe.

On sait depuis quelques jours que l’ensemble des institutions impliquées – la Commission, le Conseil des Affaires générales et le Parlement – concluront à l’absence de « progrès significatifs » et refuseront en principe de passer à la Phase II des négociations. On connaît aussi les trois pierres d’achoppement : les droits des citoyens européens au Royaume-Uni, les engagements financiers, la frontière irlandaise. Ce n’est guère surprenant : depuis l’été déjà, le gouvernement britannique n’arrive pas à se mettre d’accord sur le résultat souhaité : ce n’est pas la compréhension des enjeux principaux qui fait défaut, mais une idée claire sur comment on souhaite les résoudre.

Le blocage actuel a un double coût : il renvoie à décembre tout avancement hypothétique vers la Phase II, et il prive le processus de l’impulsion que le discours de Florence de Theresa May était éventuellement censé lui donner.

Voilà pour le contexte. Maintenant, qu’attendent les uns et les autres du Conseil de cette semaine ?

L’Union des 27

Pour les dirigeants des Etats membres restants, le Brexit représente une corvée dont ils se seraient bien passés. Peu d’entre eux s’y impliquent activement, et la plupart sont contents de savoir que la Commission s’en occupe et que tout le monde semble rester soudé. Personne ne veut se faire avoir pour les aspects financiers, et les droits des citoyens sont une inquiétude pour plus d’un. Tant qu’ils peuvent rentrer chez eux en confirmant que l’Union se bat pour les intérêts communs, tout va bien.

Pour les quelques Etats qui sont fortement impliqués, préserver le mandat initial est également la meilleure option. Pour l’Irlande, cela maintient ses intérêts en haut de l’agenda ; pour l’Allemagne, l’unité du bloc est prioritaire pour négocier un bon accord final avec les Britanniques.

La Commission

C’est un peu plus compliqué pour elle. Elle a vraiment intérêt à ce que la procédure de l’article 50 donne de bons résultats. Non seulement parce qu’elle veut maintenir le Royaume-Uni dans une relation fonctionnelle avec l’Union, mais aussi parce qu’elle veut démontrer ses capacités de résolution de problèmes. C’est son job, après tout ! En même temps, elle se doit de protéger les valeurs fondamentales de l’Union et les bénéfices qu’elle apporte à ses membres, ce qui limite sa marge de concessions envers les Britanniques.

Le compromis qui se dessine est que la Commission poussera les Etats-membres à préparer d’ores et déjà son mandat pour la Phase II. Et puisqu’elle le fera en public, elle signalera ainsi en même temps ses intentions au Royaume-Uni, ce qui peut aider pour la résolution des problèmes de la Phase I.

Le gouvernement britannique

Il est assez coincé. Le sentiment de force qui anime les « Hard-Brexiteers » dans le gouvernement et jusque dans le cabinet rend toute concession difficile, d’autant que se multiplient désormais des appels à quitter la table des négociations avec un baroud d’honneur et en claquant la porte. Aussi autodestructrices que soient de telles recommandations, elles n’en soulignement pas moins à quel point la marge de manœuvre de Theresa May est réduite, à Bruxelles comme à Londres.

Comme Madame May ne fera pas de nouvelles offres au Conseil, beaucoup dépendra de la manière dont les choses sont présentées. Elle risque de s’aligner sur le ping-pong qu’on connaît des conférences de presse conjointes de Michel Barnier et David Davis : l’un dit « il n’y a pas de progrès », alors que l’autre dit « si, si, il y a progrès ! ».

Cela n’annonce rien de bien pour Theresa May. Si les choses venaient à s’envenimer, elle donnerait encore davantage l’image d’une chef incapable de gérer son plus grand chantier, et les députés conservateurs pourraient finir par penser que, tout compte fait, il n’y aurait plus grand-chose à perdre à changer le cheval au milieu du gué.

A l’Union européenne de décider si ce serait une bonne ou une mauvaise chose, et de bien peser les tenants et les aboutissants d’une telle évolution. Les Etats-membres, la Commission, et le Royaume-Uni – un ménage à trois délicat !

 

V.O. anglaise : http://politicsatsurrey.ideasoneurope.eu/2017/10/19/needs-european-council/

L'auteur

Simon Usherwood

Simon Usherwood est professeur en sciences politiques à l’Université de Surrey. C'est un spécialiste reconnu de l'étude de l’Euroscepticisme. Il est membre du réseau « UK in a Changing Europe » et contribue régulièrement depuis quelques années aux blogs d'actualité européenne de l'EU-Asia Institute de l'ESSCA Ecole de Management.

Professeur de sciences politiques à l’Université de Surrey, spécialiste de l’Euroscepticisme et membre du réseau « UK in a Changing Europe »

Twitter: @usherwood

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