Par Viviane Gravey
L’accord de divorce entre le Royaume Uni et l’Union européenne a donc été signé dimanche à Bruxelles. C’est un accord qui ne va peut-être pas durer aussi longtemps qu’il n’a fallu pour le négocier : son avenir à la Chambre des Communes est plus qu’incertain. Mais la nature précaire de l’accord ne doit pas pour autant nous empêcher de nous pencher dessus. Car si de nombreux politiques britanniques prétendent pouvoir négocier un meilleur accord, côté européen le message est clair : c’est celui-là ou pas d’accord du tout.
Qu’il y a-t-il donc dans ces 585 pages ? En fait, l’accord de sortie détaille les droits et obligations britanniques une fois sortie : tout d’abord pendant la période de transition (qui peut être étendue jusque fin 2022). Ensuite, les 300 dernières pages se concentrent sur le cas où le fameux « backstop » devait être activé, c’est-à-dire sur le cas où le futur accord de commerce ne permette pas de maintenir la frontière irlandaise ouverte, ou s’il n’est pas négocié à temps.
Les débats ces derniers mois se sont concentrés justement sur ce « backstop »: serait-il seulement Nord-Irlandais ? Ou bien couvrirait-il aussi la Grande Bretagne ? Le résultat est un « backstop » à deux niveaux, qui couvre tout le territoire britannique, avec néanmoins une couverture plus approfondie pour l’Irlande du Nord. Pour certains, le « backstop » n’a pas lieu d’être activé – il est simplement là au cas où les négociations échouent. Pour d’autres, le « backstop » et son « territoire douanier unique » entre l’UE et le Royaume Uni indique la direction souhaitée par l’UE : un Brexit le plus doux, le plus conciliant possible.
Mais au-delà de la portée géographique du « backstop » il est nécessaire de considérer son contenu. Et là, surprise, l’UE semble s’être rappelée que l’environnement, c’était important.
A priori, l’environnement ne semble pas avoir grand-chose à faire avec le Brexit. Il a à peine été mentionné au cours de la campagne du référendum de 2016. Celle-ci s’est plutôt concentrée sur l’immigration, le système de santé britannique et les accords commerciaux. Côté européen, la Commission Juncker n’est pas vraiment connue pour son amour des questions environnementales. La preuve : quand Juncker prend les rênes de la Commission en 2014 il en profite pour fusionner environnement et pêche sous un seul commissaire, et demande au commissaire en charge de ce portefeuille de se concentrer sur simplifier le droit existant.
Et pourtant, depuis deux ans, l’environnement se retrouve au cœur du Brexit. Et cela se comprend : d’un côté, les craintes européennes d’un dumping environnemental britannique – le député britannique pro-Brexit Jacob Rees-Mogg expliquait ainsi en 2016 que les règles environnementales britanniques pourraient être considérablement relaxées pour s’aligner par exemple sur les normes chinoises plutôt qu’européennes. Ce dumping aurait des effets directs tant sur l’environnement que sur l’économie européenne. D’une part, on le sait bien, la pollution, que ce soit de l’eau ou de l’air, ne respecte pas les frontières politiques. D’autre part, saccager les acquis environnementaux pourrait, à court terme, réduire les coûts de production britannique – et ainsi faire concurrence déloyale avec les producteurs européens. Du coup, pour les européens, les Britanniques ne peuvent avoir un accès aisé au marché européen sans en respecter les règles environnementales.
Côté britannique, le gouvernement de Theresa May essaie de présenter le Brexit comme un projet pro-environnement. Il s’agit, à entendre le ministre de l’environnement Michael Gove, de reprendre le contrôle des politiques environnementales et agricoles afin de devenir plus ambitieux.
On se retrouve dans cette situation inouïe où UE et Royaume Uni sont en compétition et cherchent à montrer à quel point ils sont ambitieux, eux. En février dernier, on avait donc eu droit à un échange relevé sur Twitter, entre le ministre britannique Michael Gove, et le commissaire européen Frans Timmermans. Le sujet ? Qui des deux bannirait le plastique à usage unique le plus rapidement …
Jusqu’à présent cette nouvelle « compétition » restait politique – et les gouvernements changent vite, ainsi que leurs ambitions. L’accord du divorce, en revanche, lui donne une base légale. S’il est ratifié, il enjoint, dans son « backstop », l’Union européenne et Royaume Uni à maintenir un niveau équivalent de normes environnementales. Les conclusions du Sommet européen d’hier vont encore plus loin : l’ambition environnementale n’est pas juste pour le « backstop ». Elle doit former la base de tout future accord commercial UE-Royaume Uni.