Sujet de modifications bienvenues dans le projet de loi française sur l’asile et l’immigration, le « délit de solidarité » n’a pas pour autant été supprimé comme le souhaitaient des parlementaires et associations de défense des étrangers. Le débat risque toutefois de rebondir à l’échelle européenne à la faveur d’une initiative citoyenne intitulée pour une #EuropeAccueillante
Ça y est, après une semaine de discussions parfois âpres, le projet de loi « asile-immigration » a donc été adopté en 1ère lecture par l’Assemblée nationale. Les parlementaires vont maintenant partir en vacances et les ONG, avocats, agents de l’OFPRA ou de la CNDA jusqu’au défenseur des droits continuer de critiquer un texte qui réduit de nombreuses garanties (notamment en matière d’asile) et qui, pour ce que j’en pense, ne règlera rien de ce qu’il est censé régler.
Je sens que vous allez pousser un coup de gueule …
Non Simon pas aujourd’hui ! Je voudrais revenir sur les dispositions de la loi qui portent sur le « délit de solidarité ». Vous savez cette règle qui permet de pénaliser dans certaines circonstances les personnes qui aident les migrants à entrer sur le territoire.
Et qui ont fait l’actualité ces derniers mois notamment avec Cédric Herrou
C’est bien cela. Si la nouvelle version du texte ne supprime pas le « délit de solidarité », comme le souhaitaient de nombreux parlementaires, elle allonge et précise la liste des comportements qui échappent à la sanction. Ainsi, l’accompagnement linguistique et social ou toute aide visant à assurer la dignité ou l’intégrité physique de l’étranger font leur apparition dans le texte. Pour les députés de la majorité c’est une avancée. Pour d’autres en revanche, ce n’est pas satisfaisant.
C’est-à-dire ?
Sans entrer dans une analyse juridique complexe, on peut dire que le texte tel qu’adopté par l’Assemblée nationale conserve une formulation ambiguë.
Le droit de l’UE par une directive de 2002, impose aux Etats de sanctionner les personnes qui aident à l’entrée irrégulière si cette aide poursuit un but lucratif. Autrement dit, le droit de l’UE oblige les Etats à sanctionner les passeurs.
En revanche, la directive prévoit que les Etats peuvent ne pas imposer de sanctions lorsque l’action de l’aidant a pour but d’apporter une aide humanitaire. Schématiquement, la ligne de partage semblait se situer entre action lucrative punissable et action humanitaire acceptable.
Si le droit français sanctionne bien les personnes qui ont aidé à l’entrée irrégulière afin d’en tirer un profit, il prévoit que les actions qui ont « donné lieu à une contrepartie directe ou indirecte » peuvent aussi être sanctionnées.
Or, la notion de contrepartie directe ou indirecte est plus large que celle du but lucratif et ouvre le champ de la sanction contre les personnes qui agissent par solidarité avec les migrants.
Et cette question n’est pas que franco-française
Et elle pourrait rebondir au niveau européen. Une initiative citoyenne vient d’être lancée par plus de 50 ONG pour demander à la Commission européenne de proposer une modification de la directive de 2002 pour empêcher les États de punir les citoyens et citoyennes solidaires. Autrement dit de mettre fin, dans le droit européen, au « délit de solidarité ».
Si cette initiative baptisée pour une #EuropeAccueillante parvient à récolter plus d’un million de signatures, elle pourrait aboutir à un changement de règles mais démontrerait aussi, dans un contexte de fortes tensions politiques et sociales autour des questions migratoires, que de nombreux citoyens et citoyennes sont attachés au principe de solidarité notamment envers les migrants.