Non à la privatisation du politique européen

Par Jean-Marc Ferry, philosophe

Le Monde 07/11/2016

Comme l’ont montré les discussions sur le traité de libre-échange avec le Canada, l’Union européenne prend ses décisions sans en passer par une discussion ouverte. Cela doit changer, explique le philosophe.

La Wallonie a pu, un temps, faire scandale, en prétendant bloquer la signature du traité commercial entre l’Union européenne et le Canada. Cependant, l’image du village gaulois ne fut que fugitive, car, bien vite, tout est « rentré dans l’ordre » : le ministre-président de la région wallonne, Paul Magnette, a obtenu les concessions permettant enfin de signer le CETA.

Entre-temps, le bon ton fut quand même de s’indigner : comment un « tout petit pays », qui n’est même pas un Etat, peut-il – par caprice souverainiste ? – empêcher l’ensemble de l’Union européenne « d’avancer » ? On s’interroge rétrospectivement sur l’incapacité politique d’une Europe jugée trop peu réactive, incapable de faire agir ses Etats à l’unisson, de mener à terme sans anicroche les négociations engagées…
Tristes malentendus

En lui-même, le diagnostic n’est pas tout à fait faux, mais il nourrit des tristes malentendus. Considérons la négociation du CETA. La personnalité du ministre-président de la région wallonne est bien différente de l’image distillée. J’ai connu Paul Magnette à l’Université libre de Bruxelles. Il y fut étudiant, doctorant, puis directeur de l’Institut d’études européennes et artisan de sa prestigieuse Ecole doctorale.

Ceux qui s’intéressent de près à la question européenne s’accordent à reconnaître la valeur exceptionnelle de ses travaux théoriques. Outre ses qualités d’universitaire, Magnette a une stature d’homme d’Etat, de ceux dont l’Europe a besoin. Sans être la marque de quelque populisme nationaliste ou altermondialiste, sa protestation contre le traité est fondée sur de solides raisons.

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