Publication de Manon Damestoy réalisée en partenariat avec le RESTEP (Réseau transatlantique sur l’Europe politique)
Résumé
Bénéficiant pendant longtemps du fameux « consensus permissif » puis d’une « européanisation rampante » laissant peu de place à la délibération publique, l’Union européenne a pu, jusqu’à récemment, mener sa politique commerciale dans un cadre relativement calme et discret. Cependant, ce calme relatif a été fortement perturbé au cours de la dernière décennie par le lancement de nouvelles négociations commerciales permises par le dernier transfert de compétences commerciales vers l’Union.Ainsi, entre l’été 2013 et l’automne 2016, l’Union européenne a vécu au rythme des manifestations et sorties médiatiques d’acteurs politiques de premiers rangs s’opposant bruyamment et de manière exceptionnelle à la signature d’un accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne, le désormais fameux CETA.Cet évènement particulier et la mobilisation de Paul Magnette, Ministre-président du gouvernement wallon,contre l’accordentre 2015 et 2016 interrogera lourdement la capacité et la légitimité de l’Union à négocier seule des accords de libre-échange si approfondis et touchant de près aux choix démocratiques européens comme nationaux.L’étude empirique des discourset prises de position des institutions européennes dessine un bilan mitigéquant à l’impact de cette politisation exceptionnelle. Parce qu’elle accordait une place plus importante aux acteurs politiques nationaux et donnait une voix réelle et médiatisée aux résistances, la politisation du CETA a rapidement été perçue comme une double menace pour l’UE, à la fois pour son intégrationet sa crédibilité en tant que partenaire commercial efficace. Face à ce risque et, malgré quelques changements notables, notamment autour de la transparence, l’Union sembla finalement peu encline à soutenir l’émergence d’une Europe politique non maîtrisée, à laquelle elle a préféré, suivant une stratégie de contournement de la politisation, une Union technocratique qui lui permis de garder sa capacité à négocier comme avant, « business as usual ». C’est l’hypothèse que nous soutiendrons dans ce « working paper », nous inscrivant ainsi dans un champ de recherche plutôt inexploré jusqu’ici.