Par Jean-Marc Ferry, philosophe
Le Nouvel économiste, 18 novembre 2016
« L’intégration politique ne passe pas par la subordination des Etats membres »
Une troisième voie pour l’Europe, très au-dessus de l’utopie fédéraliste ou du repli identitaire. C’est l’homme de la situation, allergique aux “effets de bocage” qui réduisent le débat sur l’Europe à un affrontement entre défenseurs des identités, prompts à flatter le chauvinisme des peuples, et partisans de la fuite en avant réfugiés dans leur tour d’ivoire. Jean-Marc Ferry, penché depuis des années sur “l’objet politique sublime” que représente l’idée européenne, est l’homme de la troisième voie. L’Europe est toujours aux yeux du philosophe la construction politique la plus élaborée qui soit, du fait de sa capacité à inclure l’idée “cosmopolitique” décrite par Emmanuel Kant, qui organise les relations entre citoyens de nations différentes, sorte de formule “post-étatiste d’intégration transnationale”. Des dispositions déjà bien intégrées ont préparé ce terrain, de la libre installation des personnes sur tout le territoire de l’Union aux aides structurelles aux régions en retard de développement en passant par les échanges d’étudiants qui permettent de progresser dans cette tâche essentielle consistant à comprendre le point de vue de l’autre. Dans cette vision, la nation ne disparaît pas et les identités peuvent s’épanouir, mais le tout est transcendé par l’apparition d’un espace commun, “autorité” extérieure, capable de proposer et de garantir un pacte social au citoyen européen.