Jean-Marc Ferry « A propos de la forme politique de l’Union Européenne »

Jean-Marc Ferry était l’un des invité-e-s de « La Chose Publique », un festival des idées organisé par La Villa Gilet et Res Publica, qui s’est décliné en une série de rencontres et de débats du 16 au 25 novembre 2017.

Jean-Marc Ferry pointe ici les avantages d’une « Union transnationale » pour légitimer et faire gagner en visibilité les instances et le fonctionnement de L’Union européenne.

Article de Rue89 Par Tribune (16/10/2017)

Comment faire gagner en légitimité le fonctionnement de l’Union Européenne ?

C’est une question préjudicielle, mais qui n’est pas simplement académique. Elle répond à des aspects importants de l’actuel malaise européen, lequel continue de projeter le spectre d’une crise technique de gouvernance économique, doublée d’une crise éthique de solidarité et de coresponsabilité politique.

La question de la forme politique de l’UE offre des éléments de réponse pour ce double problème. Demeure toutefois pendant l’aspect critique le plus préoccupant : celui d’une crise historique de légitimation du projet européen lui-même…

Pour un mode d’intégration plus horizontal

Cette question soulève un problème méthodologique. Si l’on veut faire correspondre la structure existante de l’UE à un modèle constitutionnel, on a toute chance de rejoindre le diagnostic de Jacques Delors la situant comme un « Objet Politique Non Identifié ».

Mais si l’on s’inquiète d’une voie pour l’intégration politique de l’Union, il semble pertinent d’envisager un mode d’intégration horizontal plutôt que vertical. Dans ce cas le processus logique de l’intégration européenne ne mène pas à l’État supranational, mais à une Union transnationale.

L’approfondissement de la notion d’Union transnationale justifie deux différenciations qui permettent de lever les ambiguïtés inhérentes à l’heuristique de la Fédération, quant à la question cruciale de la souveraineté :

  • Différenciation entre souveraineté négative et souveraineté positive.
  • Différenciation entre autorité et souveraineté.

La souveraineté négative s’entend comme le droit imprescriptible de ne pas être contraint par force. Elle s’assortit pratiquement au droit de véto et au droit de retrait. Quant à la souveraineté positive, elle s’entend comme la capacité effective d’agir sur le cours de l’histoire.

À l’heure de la mondialisation, les États membres de l’Union conservent individuellement une souveraineté négative, mais ils ne peuvent espérer exercer une souveraineté positive que collectivement. Le problème consiste alors à agencer une co- souveraineté des états membres.

Une mise en réseau des parlements nationaux reliés au Parlement européen

Agencer une co-souveraineté des États membres suppose une Autorité « disciplinaire », par exemple, un Président de l’Union, politiquement responsable et jouissant d’une forte légitimité démocratique, étant entendu que demeurent souverains les États ainsi mis par cette Autorité en posture de co-souveraineté active, c’est-à-dire en exercice de solidarité coresponsable.

Afin que l’Union transnationale gagne une pleine consistance, le pouvoir gouvernemental coiffé par cette Autorité devrait pouvoir bénéficier d’une large assise délibérative, favorisant un décloisonnement des espaces publics nationaux grâce à une mise en réseau des Parlements nationaux et régionaux de l’espace européen, reliés entre eux, horizontalement, et, verticalement dans les deux sens, avec le Parlement européen.

Ce dernier se profilerait alors la clé de voûte et le lieu de synthèse des réclamations et propositions émanant de l’ensemble, gagnant ainsi la visibilité et la représentativité qui lui font défaut.

Les grands penseurs de l’Europe, entretien avec Jean-Marc Ferry, mardi 21 novembre de 18h30 à 20h à l’Institut d’Études Politiques de Lyon (14, avenue Berthelot Lyon 7e)

Titre et intertitres sont de Rue89Lyon

 

 

 

 

Jean-Marc Ferry

Philosophe, professeur des Universités

Jean-Marc Ferry est titulaire de la Chaire de Philosophie de l’Europe de l’Université de Nantes à la Maison des Sciences de l’Homme de Nantes depuis sa fondation en 2011. Il est professeur honoraire en science politique et philosophie morale à l’Université libre de Bruxelles, docteur honoris causa de l’Université de Lausanne (2000) et de l’Université Saint-Louis de Bruxelles (2017), ancien boursier de la fondation Alexander von Humboldt (Bonn). Il est membre, notamment, de la Fondation Jean Monnet, du groupe Spinelli pour l’Europe, et de l’Observatoire Européen des Politiques Universitaires. Jean-Marc Ferry est Commandeur de l’ordre de Léopold et Grand Officier de l’ordre de Léopold II (Belgique), Médaille d’or de l’Académie d’Agriculture de Paris. En 1995, l’Académie française lui décerne le Prix La Bruyère pour l’ensemble de son œuvre. Son œuvre fut couronnée à deux reprises par l’Institut de France : Prix La Bruyère de l’Académie française, en Philosophie, Morale, Sociologie, « pour l’ensemble de l’œuvre » (1995) ; prix Louis Marin de l’Académie des Sciences morales et politiques, pour La Question de l’Etat européen (2001).

Il a publié, à ce jour, une trentaine d’ouvrages, quelques deux cent cinquante articles de revues, chapitres d’ouvrages collectifs, entretiens et rapports d’expertise dont beaucoup traitent des questions européennes.

Il dirige la collection Humanités aux Éditions du Cerf (Paris) et la collection La Pensée élargie aux Éditions Le Bord de l’Eau. Il co-dirige avec Nathalie Zaccaï-Reyners la collection Philosophie et société aux Éditions de l’Université Libre de Bruxelles et, avec Alain Renaut, la collection Philosophie appliquée aux Presses Universitaires de Paris Sorbonne. Son dernier ouvrage s’intitule La Raison et la foi. Une philosophie de la religion. Parmi ses ouvrages les plus importants, rappelons Les Puissances de l’expérience (1991), Philosophie de la communication (1994), L’Ethique reconstructive (1996), La Question de l’Etat européen (2000), De la Civilisation (2001), Valeurs et normes (2002), La Question de l’Histoire (2002), Les Grammaires de l’intelligence (2004), Europe, la voie kantienne (2005), La Religion réflexive (2010), La république crépusculaire (2010), La Raison et la Foi (2016).

Il est également promoteur du concept de l’Allocation Universelle.

Lire le CV de Jean-Marc Ferry

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