Témoignage d’un séjour de recherche à Madrid

Vincent LEROY, doctorant au Laboratoire du Centre de Recherche sur les Identités, les Nations et l’Interculturalité (CRINI) réalise une thèse sur « La réception du cinéma français dans l’Espagne franquiste » sous la direction de Maitane Ostolaza de Nantes Université et de José Luis Sánchez Noriega de l’Université Complutense de Madrid. Il a bénéficié d’une bourse de mobilité de l’Institut d’études européennes et globales Alliance Europa, et a ainsi effectué un séjour de recherche en Espagne, à Madrid, de janvier à juin 2022 pour sa première année de thèse.

Pouvez-vous présenter votre thèse ?

La présente thèse propose une analyse de la réception du cinéma français dans l’Espagne franquiste à travers la méthodologie spécifique de l’étude et de l’analyse des dossiers de censure cinématographique espagnols des longs métrages français réalisés entre 1950 et 1966 afin de démontrer comment sont représentées les valeurs de la société espagnole durant le franquisme à travers le prisme de la réception du cinéma français.
La censure au cinéma n’a jamais cessé d’exister au cours du temps et au détriment du septième art. Elle a été tout particulièrement importante en Espagne durant la dictature de Franco (1939-1975), et ainsi, il s’agira d’étudier la censure du régime franquiste à travers l’analyse cinématographique et censoriale des films français réalisés entre 1950 et 1966 : Quels films français ont été interdits et quels sont ceux qui ont pu passer l’écueil censorial puis être reçus en Espagne ? Quels ont été les espaces et les traces de la réception du cinéma français dans l’Espagne franquiste ? Quelle fut par conséquent la réception et la place du cinéma français en Espagne durant le franquisme ?
La thèse devra donc répondre au questionnement suivant : à travers la réception du cinéma français dans l’Espagne franquiste, comment sont représentées les valeurs et caractéristiques de la société espagnole durant le franquisme ? En quoi le cinéma français peut être un outil de compréhension de l’Espagne contemporaine ? Comment la réception des films français en Espagne permet de comprendre le modèle de la société espagnole sous le régime franquiste ? La thèse doctorale se centre autour de l’étude de l’histoire de l’Espagne contemporaine à travers le cinéma, c’est-à-dire que le cinéma est utilisé comme reflet et miroir de la société espagnole durant la dictature mais également comme objet culturel qui contribue à façonner notre vision et notre représentation de la réalité. De plus, la circulation transnationale des influences artistiques et cinématographiques ainsi que les questions liées à la production et à la réception transculturelles des films sont également des axes majeurs de ce travail.

Ainsi, l’histoire du cinéma français et l’histoire de l’Espagne contemporaine sont mises en dialogue et analysées à la lumière des contextes économiques, politiques et culturels de référence avec ce projet de thèse qui vient s’inscrire dans la continuité des travaux consacrés à la censure franquiste et la réception du cinéma espagnol (Román Gubern, Domènec Font, Un cine para el cadalso. 40 años de censura cinematográfica en España, 1975 ; Teodoro González Ballesteros, Aspectos jurídicos de la censura cinematográfica en España, con especial referencia al periodo 1936-1977, 1981 ; Nancy Berthier, Le franquisme et son image : cinéma et propagande, 1998) visant à renouveler le champ des études cinématographiques et historiques pendant la période franquiste, en incorporant la variable interculturelle et le regard croisé entre la production et la réception cinématographique française et espagnole.

Pouvez-vous décrire votre mobilité en quelques phrases ? Que vous a apporté le séjour effectué à l'étranger pour première année de thèse ?

La bourse de mobilité octroyée par Alliance Europa m’a permis de réaliser principalement mes recherches de thèse sur mon sujet « La réception du cinéma français dans l’Espagne franquiste » entre janvier et juin 2022 en Espagne, précisément à Madrid. 

À Madrid, j’ai pu travailler à la Bibliothèque Nationale d’Espagne (BNE) et à la Cinémathèque espagnole. En effet, j’ai réalisé des recherches au sein de l’hémérothèque digitale de la BNE sur l’étude de la presse cinématographique et à la Cinémathèque, j’ai étudié le visionnage des films français en version espagnole avec l’analyse des dialogues et du doublage au Centre de Conservation et de Restauration, l’étude des affiches de films, des scénarios censurés des longsmétrages d’étude et également les normes censoriales à la bibliothèque.

À Alcalá de Henares, mon travail de recherche s’est divisé en deux parties distinctes aux Archives Générales de l’Administration (AGA) : en premier lieu, j’ai travaillé sur l’analyse des dossiers de censure cinématographique espagnols des films français réalisés entre 1950 et 1966, véritable point d’orgue de ma thèse qui m’a permis de constituer mon corpus de thèse ; et en deuxième temps, j’ai réalisé un travail de recherche sur les fonds du Ministère des Affaires Étrangères à travers l’optique des relations culturelles et diplomatiques franco-espagnoles entre 1950 et 1966, qui rentre par ailleurs dans le cadre des thèmes développés par Alliance Europa, notamment sur les relations transculturelles et internationales. 

J’ai profité également d’être en Espagne pour réaliser un voyage de recherche de deux semaines à San Sebastián, à la Cinémathèque basque entre la bibliothèque et les archives du Festival pour avancer sur une partie de ma thèse intitulée : « Le Festival de San Sebastián : une aubaine pour la réception du cinéma français dans l’Espagne franquiste ? ».

Ainsi, la bourse scientifique de mobilité d’Alliance Europa m’a permis de réaliser principalement mes recherches en Espagne durant six mois pour cette première année de thèse mais m’a également permis d’être aux côtés de mon co-directeur de thèse, José Luis Sánchez Noriega, enseignant de cinéma au département d’Histoire de l’Art de l’Université Complutense de Madrid. Durant cette période de recherche, nous avons travaillé ensemble sur la thèse, sur l’avancement et le
suivi des recherches ainsi que sur l’affinement du plan. De plus, nous avons collaboré sur divers sujets en parallèle dont l’organisation et la participation à un séminaire au sein de l’Université Complutense de Madrid et l’écriture d’articles en lien avec mon sujet de recherche.

En effet, ce séjour de recherche à Madrid m’a permis de participer à des colloques et séminaires internationaux durant tout le long de l’année sur de multiples sujets se rapprochant à mes domaines de recherche entre le cinéma français, le cinéma espagnol, l’histoire contemporaine de l’Espagne ainsi que la censure cinématographique durant le franquisme, favorisant ainsi les liens stratégiques, internationaux et transculturels entre Nantes Université, le CRINI et Alliance Europa avec l’Université Complutense de Madrid.

Par conséquent, l’expérience de mobilité a été fondamentale et très fructueuse dans le cadre de ma première année de thèse. La bourse de mobilité d’Alliance Europa m’a permis d’avancer sur de multiples aspects de ma thèse : le travail de recherche dans un premier temps entre Madrid, Alcalá de Henares, Barcelone et San Sebastián mais également dans l’aspect des rencontres et travaux en collaboration. En effet, j’ai pu travailler aux côtés de mon directeur de thèse de l’Université Complutense de Madrid qui a su m’aiguiller et me conseiller pour ces premières investigations dans les institutions de recherche mais également avec les autres doctorants du laboratoire de recherche espagnol. De plus, lors des conférences, j’ai pu présenter mes recherches et obtenir des commentaires sur ces dernières. Ainsi, j’ai pu bénéficier de retours enrichissants, faire progresser mes recherches et avancer sur ma thèse, mais aussi me faire connaître à Madrid dans les différentes institutions – Casa de Velázquez, Université Complutense de Madrid, Bibliothèque Nationale d’Espagne, Cinémathèque Espagnole, Institut Français de Madrid ou encore les Archives Générales de l’Administration d’Alcalá de Henares.

Comment avez-vous préparé votre séjour en amont ? Est-ce que vous conseilleriez à vos collègues d'effectuer un séjour à l'étranger ? Quelles seraient vos recommandations ?

Avant de partir en Espagne, j’ai réalisé diverses tâches en amont afin de préparer au mieux mon séjour de recherche. Tout d’abord, j’ai effectué un programme de recherche suffisamment important qui devait me permettre de travailler sur place pendant six mois dans les différentes institutions d’accueil : bibliothèques, cinémathèques et archives. J’ai ainsi collecté l’ensemble des informations lié aux bibliographies et inventaires de chaque institution. Dans un second temps, je suis rentré en contact avec le personnel de chaque institution pour les prévenir de mon arrivée et indiquer l’ensemble des documents dont j’aurais besoin à la consultation sur place. Ainsi, et dès début janvier, j’ai pu me renseigner sur l’accès aux différentes institutions et créer des cartes de chercheurs pour accéder à ces dernières et consulter les archives en leurs seins. Je conseille donc aux futurs doctorants réalisant une mobilité à l’étranger de prévenir relativement tôt les institutions de recherches d’accueil et effectuer un programme de recherche en amont afin d’être efficace dès l’arrivée dans le pays d’accueil, d’autant plus pour les courts séjours. En effet, la création de cartes de chercheurs ou simplement le fait d’accéder aux institutions peut être différent du système français voire prendre plus de temps qu’en France. À Madrid, que ce soit à la Bibliothèque Nationale d’Espagne ou à la Cinémathèque espagnole ou encore aux Archives Générales de l’Administration d’Alcalá de Henares, il fallait impérativement et de manière hebdomadaire, réserver une place pour pouvoir accéder aux différentes institutions, en bibliothèques, en archives ou en salles de lecture. Ainsi, je recommande aux doctorants réalisant une mobilité à l’étranger, de prendre en compte l’ensemble des informations d’accès et de consultation en amont et de réaliser toutes les démarches administratives avant d’entamer vos recherches.

Je recommande vivement à chaque doctorant de réaliser un séjour de recherche à l’étranger, en fonction de son sujet de thèse. En effet, une approche interculturelle et internationale est toujours intéressante afin de développer une thèse. Lors d’un séjour à l’étranger, on va aborder une manière de travailler différente de celle que l’on connaît et de plus, on va recueillir un nombre important d’informations, de conseils et de commentaires sur l’avancement de la thèse. Par ailleurs, et d’un point de vue personnel, cela permet de vivre à l’étranger et par conséquent de faire partie d’une autre culture et découvrir un autre pays, en travaillant et en vivant au jour le jour dans celui-ci.

Néanmoins, je dois avertir les futurs doctorants souhaitant réaliser une mobilité à l’étranger sur divers points notamment depuis la perspective administrative. En effet, j’aimerais souligner la rigueur que devra nécessiter l’étudiant à l’étranger afin de suivre constamment les procédures et les règles, quelques fois différentes de celles que l’on connaît. De plus, j’attire l’attention sur l’ensemble des contraintes que peut supposer une mobilité à l’étranger, notamment sur la question du logement et des transports par exemple. Il est important de se renseigner au préalable sur ces questions et je recommande vivement de visiter les appartements ou autres logements avant de réserver un logement, et j’avertis sur le fait de ne jamais payer en amont afin de réserver un bien.

Pour les dernières recommandations, comme je l’évoquais ultérieurement, en Espagne, la présence en bibliothèque ou en archive est synonyme de réservation au préalable. Il est donc indispensable de penser à réserver une place pour y travailler chaque semaine et également connaître chaque formalité administrative de chaque institution. Par ailleurs, en temps de pandémie, il est toujours important de se renseigner en amont sur les conditions sanitaires du pays d’accueil et de leurs institutions (masque obligatoire, utilisation de gants pour manipuler les archives ou ouvrages, capacité d’accueil, etc.). Ainsi, je vous conseille également de prendre en compte les contraintes locales et nationales du pays d’accueil. En outre, il faut impérativement anticiper et établir un coût provisionnel d’une mobilité à l’étranger en prenant compte le logement, les transports (avion, train, métro, tram), achats divers pour la thèse ou autres, etc., puisque nous sommes généralement voués à avancer une somme voire à payer cette somme précise sans forcément de remboursement ex-post mission par les laboratoires de recherche ou autres instituts prenant en charge une mission à l’étranger. En ce qui concerne la question de remboursement de mission, je vous recommande de garder les tickets de paiement surtout les grosses sommes comme les transports par exemple mais également de demander à votre propriétaire un contrat de location et/ou des reçus de chaque mois de loyer payés.  Enfin, je recommande aux doctorants de se renseigner en amont sur les ressources matérielles mises à disposition par les institutions et laboratoires partenaires.

Que retenez-vous de Madrid / de l'Espagne ?

Mon voyage de recherche en Espagne entre janvier et juin 2022 s’est très bien déroulé. Mon sujet de thèse aborde l’histoire du cinéma français ainsi que sa réception ancrée dans l’histoire du franquisme, soit un sujet qui conjugue l’histoire du septième art français et l’histoire contemporaine de l’Espagne. L’étude de ce sujet à travers le prisme de la censure cinématographique du régime
franquiste est fort intéressante et ma présence en Espagne a été indispensable pour pouvoir avancer dans ma thèse et mes recherches.

Par ailleurs, Madrid en tant que capitale espagnole, est le cœur névralgique de l’Espagne qui se traduit par la présence des institutions de recherche telles la BNE, la Cinémathèque espagnole ou encore la Casa de Velázquez, et ainsi j’ai privilégié un séjour de recherche à Madrid afin de pouvoir mener à bien mes recherches et mes besoins liés à la thèse et l’investigation. 

Cette mobilité à l’étranger m’a énormément apporté, sur tous les aspects, autant personnels que professionnels, autant cinématographiques qu’historiques, et j’espère pouvoir réaliser un autre séjour de recherche à Madrid pour ma deuxième année de thèse. En effet, cette mobilité à l’étranger m’a apporté un autre regard sur ma thèse et son avancement, en plus de m’avoir permis d’avancer considérablement. Ainsi, de nombreuses idées se sont généralisées au cours du séjour de recherche, et celui-ci m’a offert une myriade de perspectives à étudier et à mettre en place pour cette première et deuxième année de thèse, à la fois théoriques, pratiques et appliquées.

Par conséquent, la bourse de mobilité accordée et approuvée par Alliance Europa a été une réelle opportunité par le biais de cette expérience professionnelle, scientifique et universitaire dans le cadre du doctorat ainsi qu’en tant expérience humaine et personnelle, en découvrant une nouvelle culture, un nouveau mode de vie, de nouvelles habitudes, un nouveau système universitaire et
académique tout en travaillant dans un environnement de recherche différent, stimulant et enrichissant. En effet, Madrid comme capitale de l’Espagne est une ville intéressante en tout point où l’on note de multiples sorties culturelles chaque soir de la semaine et un tourisme fort intéressant : c’est une ville exceptionnelle autant pour vivre que pour travailler.  Je ne peux donc qu’encourager vivement les doctorants actuellement en thèse ou futurs doctorants à réaliser un séjour à l’étranger.