Frontières de la citoyenneté : Enjeux de l’accueil des primo-arrivants – Compte-rendu du colloque

Le Colloque international « Frontières de la citoyenneté : Enjeux de l’accueil des primo-arrivants » s’est tenu à Agadir le 27, 28 et 29 mars 2019.

Il était co-organisé par le projet CITER et le Laboratoire Valeurs, Sociétés et Développement (Équipe Espace, Société et Réseaux) de la Faculté des Lettres et des Sciences Sociales de l’Université Ibn Zohr d’Agadir, avec le partenariat de l’Université de Nantes, du CRHIA, de l’Université Catholique de l’Ouest et d’Alliance Europa.

Il a été inauguré par Omar HALLI, Président de l’Université Ibn Zohr, Ahmed BELKADI, Doyen de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines d’Agadir, Université Ibn Zohr, Félicien LEMAIRE, Co-responsable du projet CITƐR, Lhassan BENABBOU, Directeur du Laboratoire Valeurs, Société et Développement (LVSD) et Meryem YOUSSOUFI, Co-coordinatrice du colloque, avec la modération de Abdelkader MOHAINE (Responsable de l’Équipe de Recherche Espace, Sociétés et Réseaux (ESSOR), FLSH-Université Ibn Zohr).

Cette séance inaugurale à été suivie par la keyonote de Mohamed CHAREF (FLSH – Université Ibn Zohr) intitulée « Réflexions sur les migrations africaines: entre rejet, distance, proximité et engagement ». Tout en mettant en évidence les inégalités dont s’accompagne la mondialisation, cette intervention a établi un lien entre l’idée de citoyenneté et la citadinité, explorant le place des villes dans les processus migratoires, avant de réfléchir sur les mesures prises au Maroc qui pourraient favoriser l’inclusion des migrant∙e∙s et sur l’ambiguïté des termes employés pour parler de cette inclusion.

Cette matinée a été suivie d’une session consacrée au cadre conceptuel modérée par Elkbir ATOUF (FLSH – Université Ibn Zohr). Il s’agissait de réfléchir sur la généalogie et les implications des concepts utilisés pour parler des migrations et sur les différents processus de catégorisation qui sont à l’œuvre en cette matière. Dans cette perspective, l’intervention de Stéphanie MORANDEAU (Université de Nantes) et de Zaihia ZEROULOU (Université de Lille) offrait un regard à la fois sociologique et philosophique sur les questions de sélection, du classement et de hiérarchisation des migrant∙e∙s, en les mettant en lien avec la notion d’intégration. Mohamed NOUHI (ENSA- Université Ibn Zohr) a proposé une manière originale de conceptualiser la citoyenneté en insistant sur sa dimension culturelle et en explorant la possibilité d’une citoyenneté trans-culturelle. La communication de Gwénola SEBAUX (Université catholique de l’Ouest, Angers) a proposé de questionner « l’envers des mots » en retraçant la sémantique migratoire allemande, de l’accueil des Aussiedler au tournant des années 1980 jusqu’aux politiques migratoires de nos jours. Kaja SKOWRONSKA (Université de Nantes) a réfléchi à son tour sur les affrontements idéologiques récents autour du vocabulaire utilisé pour parler de l’immigration en Pologne et sur la place des notions de similitude et des différence dans ces débats.

La session suivante, modérée par Félicien LEMAIRE (Université d’Angers), était consacrée aux structures d’accueil des primo-arrivants et en particulier à la protection des femmes migrantes contre la violence en Allemagne. Ursula FASSELT (Frankfurt University of Applied Sciences) a montré ainsi qu’alors même que des dispositifs légaux comme institutionnels existent pour protéger les femmes contre les violences, en pratique ils excluent en général les femmes migrantes précaires. La catégorisation dont elles font l’objet peut ainsi avoir des conséquences importantes sur la protection à laquelle elles sont en mesure d’accéder.

La journée du 28 mars a commencé par une session, modérée par Meryem YOUSSOUFI (FLSH- Université Ibn Zohr), qui poursuivait la réflexion sur les structures d’accueil en examinant deux cas concrets. Ainsi, Amandine VAN NESTE (Resic Université Libre de Bruxelles) a examiné les centres d’accueil pour demandeurs d’asile en Belgique et en particulier les informations et discours adressés aux personnes accueillies au moment de leur admission dans le centre. Alors qu’il s’agit d’une procédure ritualisée, elle a constaté l’existence des pratiques différenciées ainsi que des résistances aux injonctions institutionnelles et politiques de la part des travailleurs∙ses des centres. L’intervention d’Audran AULANIER (EHESS-CEMS) se focalisait quant à elle sur l’étude de cas d’un centre d’accueil à Mannheim. Il a montré la vie quotidienne éprouvante au sein de cette institution et mis en exergue la manière dont ces conditions de vie tendent à infantiliser les migrant∙e∙s, à limiter leur autonomie et à les figer dans un état permanent d’entre-deux.

Les questions d’intégration, présentes en filigrane dans nombre des interventions précédentes, étaient au cœur de la session suivante, intitulée « Intégration, ‘Vivre-ensemble’, Tolérance et Citoyenneté » et modérée par Habiba HAFSAOUI (FLSH – Université Ibn Zohr). Dans ce contexte, la communication de Samuel DELÉPINE et Estelle d‘HALLUIN (Université d’Angers) concernait les collectifs locaux d’accueil des migrant∙e∙s et interrogeait le rapport des ces citoyen∙ne∙s engagé∙e∙s aux catégories juridiques qui déterminent le statut des personnes accueillies. Fanny CHRISTOU (Center for Middle Eastern Studies, Lund Sweden) a réfléchi également sur les mobilisations et leur lien avec la citoyenneté, en explorant les différentes formes d’engagement politique des Palestinien∙ne∙s en Suède et en Allemagne et en s’interrogeant sur la possibilité d’une citoyenneté migrante, prenant forme à travers des actes de vie quotidienne. Fatima MOUSSAOUI (Université Oran 2) a analysé, quant à elle, les différentes dimensions de la présence des migrant∙e∙s subsaharien∙ne∙s dans la ville d’Oran et les réactions qu’elle entraîne au sein de la population locale.

La dernière session de ce colloque était consacrée aux politiques publiques et locales d’accueil et d’intégration. Elle était modérée par Gwénola SEBAUX (Université catholique de l’Ouest, Angers). La communication d’Emma FIEDLER (Université d’Aix-Marseille) portait sur les politiques de naturalisation en Allemagne. Son analyse des cours d’intégration pour les candidat∙e∙s à la naturalisation a révélé les implications complexes de ce processus, entre injonction à l’assimilation et réduction à l’altérité. Bettina SEVERIN-BARBOUTIE (Université de Giessen) a restitué dans sa communication la dimension historique des politiques d’accueil, en se concentrant sur le traitement des primo-arrivants à Stuttgart dans les années 1960. A travers l’étude d’une tentative de création d’un parlement des émigrés elle a montré, au-delà de l’histoire d’un échec, la possibilité d’un imaginaire européen altératif. La communication de Florence IHADDADENE (Université de Paris Nanterre) et d’Émilie LOPEZ (Université d’Aix-Marseille) portait sur la participation des jeunes demandeurs d’asile au service civique et a mis en lumière une forme de mise au travail citoyen par la promesse de la nationalisation. Morgan LANS (Centre Emile Durkheim Université de Bordeaux) a proposé une perspective transnationale en comparant les politiques d’intégration en Espagne, en France et au Danemark. En détaillant les convergences et les différences entre ces modèles nationaux, il a montré la nécessité de les mettre en rapport avec les modèles d’État providence, les logiques de décentralisation du pays, ou encore les organisations de société civile en présence. Finalement, l’intervention d’Ibrahima Alassane BA (Université Mohamed V de Rabat) a apporté un regard économique et a examiné l’impact potentiel de l’Adhésion du Maroc à la CEDEAO sur les migrations.

Dans l’ensemble des communications de ce colloque on voit apparaître un lien fort entre d’une part les politiques et les institutions qui encadrent l’accueil des migrant∙e∙s et d’autre part les processus de catégorisation dont ils et elles font objet. Les manières de nommer influencent les manières d’agir et c’est souvent les statut qu’on accorde aux primo-arrivants qui déterminent les possibilités de leur inclusion, comme leur participation sociale et politique