3/3 : 2023, la guerre par le droit

Dans la troisième intervention de la soirée, Sarah Cassella, a identifié le rôle que joue le droit international, certes violé par l’agression russe, dans ce conflit armé depuis le début des combats. En fait, selon elle, il y a une véritable compétition entre les nations impliquées pour défendre des points de vue très différents sur ce qui est (ou devrait être) le droit international.

 

Dès le départ, le président russe a développé toute une argumentation certes délirante, mais qui se fondait sur deux idées basées sur le droit international, à savoir qu’il y aurait, d’une part, un génocide en cours en Ukraine que la Russie se devait d’empêcher, et d’autre part, qu’il y aurait un appel à l’aide lancé par les Républiques nouvellement créées dans le Donbass auquel la Russie devait répondre. Ce sont donc des arguments juridiques formulés dans un objectif de justification.

 

Du côté ukrainien, on a mobilisé le droit à la légitime défense, tout en saisissant toutes les juridictions internationales susceptibles d’intervenir, à commencer par la Cour Internationale de Justice. L’intérêt de faire appel au droit est aussi celui de prendre en considération le temps long. Bien entendu, au milieu des combats, le droit est assez inaudible au départ, mais le débat continue, et l’idée est de pouvoir supprimer l’argumentation russe.

 

Il s’agit aussi d’éviter les précédents : en déclarant « illégale » l’agression russe, on évite que les règles soient modifiées tout en défendant les principes du droit international. Ce que la guerre en Ukraine a mis à nu, c’est une certaine polarisation de la scène internationale, un affrontement juridique qui permet de parler d’une « guerre par le droit ».

 

Autre initiative juridique menée avec une grande réactivité par l’Ukraine : le jugement des crimes commis par la Russie, qu’il s’agisse de crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité. Pour cela, l’Ukraine a saisi rapidement la Cour Pénale Internationale, pour que des enquêtes soient diligentées, tout en lançant des milliers d’enquêtes elle-même afin de recueillir des preuves au moment même des combats.

 

En conclusion, Sarah Cassella reconnaît qu’il y a eu un vrai choc il y a un an, car c’est bien la première fois depuis 1945 qu’on a une agression qui vise l’annexion pure et simple d’un État sur le territoire européen. C’était inimaginable, et cela oblige tout le monde à se positionner : on ne peut pas rester neutre, car il y a là une opposition des points de vue et pour la première fois depuis 1945, la volonté de quelques Etats de modifier ce qu’on entend par droit international aujourd’hui. On est à un tournant, et les Nations Unies ne pourront plus fonctionner (ou pas fonctionner) comme par le passé.

 

Retrouvez l’intervention filmée ci-dessous :