Ce projet bénéficie d’un soutien de l’Institut d’études européennes et globales Alliance Europa de 2018 à 2021 dans le cadre de l’AAP réseaux internationaux. Il vise à développer un réseau international de chercheurs sur la thématique de l’ensauvagement en Europe.
« An analysis of the sociospatial and cultural effects of new methods of promoting, protecting and managing Wilderness in Europe. »
En 2014, les Etats-Unis ont célébré les 50 ans de la stratégie nationale de protection de la nature sauvage : le Wilderness Act. Dans le même temps, sur notre continent, les milieux de la conservation se mobilisent pour définir une « wilderness à l’européenne ». La nature de ce continent et sa gestion ont été formatées selon des logiques éloignées de celles qui prévalent en Amérique du Nord.
Pourtant, la mondialisation de l’action des ONG environnementales et des idées en matière de conservation semble contribuer à un emploi généralisé du terme de wilderness (Arnould et Glon, 2006). Militants et scientifiques se défendent le plus souvent d’utiliser le terme dans l’optique d’une importation de la conception nord-américaine de la gestion de la nature. En Europe, la protection de la nature institutionnelle privilégie régulièrement une approche patrimoniale. Celle-ci est destinée à préserver la biodiversité associée à des agroécosystèmes hérités, dont les mécanismes de production sont anciens et / ou actifs, à des degrés variés. Cette gestion patrimoniale classique est de plus en plus contestée par d’autres approches fondées sur la promotion de la libre évolution de la nature et de son caractère sauvage. A l’échelle internationale ces idées sont travaillées à la lisière de l’écologisme radical et de la biologie de la conservation à partir, notamment, de la notion de « rewilding » (Soulé et Noss, 1998 ; Fraser, 2009 ; Taylor, 2011). Dans le contexte européen, le rewilding et de manière complémentaire, la libre évolution de la nature sont également explorés en tant qu’alternatives à la gestion conservatoire patrimoniale. Ainsi, à la suite de D. Terrasson (1988), J.-C. Génot et A. Schnitzler (2012) ou encore G. Monbiot (2013) interpellent la sphère professionnelle de la gestion de la nature par la publication d’ouvrages incisifs qui dénoncent les excès interventionnistes. Un mouvement protéiforme, mais de plus en plus structuré, active la promotion des principes de non-intervention, de rewilding et la construction d’une culture positive de la nature sauvage. Ce mouvement est porté par un réseau très actif associant des ONGs, des entreprises écotouristiques, des gestionnaires d’aires protégées et des scientifiques. Engagé, il commence à influencer le droit européen comme l’atteste l’adoption par le parlement de la résolution sur la wilderness en 2009.
L’une des premières applications de cette résolution vise la reconsidération des modes de gestion des coeurs de zones Natura 2000. Ces derniers sont ciblés pour une mise en pratique du principe de non-intervention. Les revendications préservationnistes s’inscrivent également dans un contexte à risque pour de larges espaces européens à haute valeur écologique, en particulier, dans les zones périphériques de l’Europe où de vastes étendues à faible densité de population, plus ou moins marquées par la déprise agricole, sont convoitées par des projets d’exploitation minière ou forestière. Des terres plus récemment délaissées peuvent aussi susciter l’intérêt d’investisseurs agro-industriels. WILD-Europe vise à analyser le mouvement contemporain de reconnaissance, de valorisation et de protection d’une nature à caractère sauvage en Europe, à partir d’une approche interdisciplinaire en Sciences Humaines et Sociales (géographie sociale et culturelle, anthropologie). Il s’agit d’étudier les conséquences socio-spatiales et culturelles associées à la mise en place d’un nouveau modèle de gestion de la nature en Europe.